Isabelle YVERNEAU, Directrice déléguée du pôle « Education et Vivre Ensemble » à la Région Bourgogne Franche Comté nous livre une belle fiche de lecture centrée sur la pédagogie de la transition et qui peut être très inspirante pour des dirigeants territoriaux.

 

Pédagogie de la transition, un livre inspirant pour répondre aux défis écologiques et sociétaux et inscrire pleinement la transition dans la formation des étudiants, et par extension pour la formation continue et le management de la transition.

Cet ouvrage édité en novembre 2021 est un des deux premiers de la collection « des Petits manuels de la Grande transition », collection liée au « Manuel de la Grande Transition » et au projet FORTES (Formation à la Transition dans l’Enseignement Supérieur) du Campus de la Transition de Forges lui-même soutenu par le MESRI (Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation).

 

Ecrit à 14 mains et donnant une place importante à la vision et aux points d’appuis et leviers, il invite le lecteur à entrer dans l’approche globale, plurielle et ouverte telle que le nécessite l’engagement dans la transition écologique proposé par le Campus de la Transition.  Ainsi, en 3 chapitres, sont présentés des éléments d’analyse de la situation actuelle et des propositions pour l’implication de toutes les parties prenantes dans une pédagogie pleinement renouvelée et en phase avec les travaux de l’Unesco 2030 et de la CPU-CGE (Conférence des Présidents d’Universités-Conférence des Grandes Ecoles). :

 

L’approche se base sur les 6 portes telles qu’évoquées dans l’ouvrage de référence le « Manuel de la Grande Transition ». En citant les auteurs, il s’agit d’OIKOS : « habiter un monde commun », en lien avec nos ressources ; d’ETHOS : « discerner et décider pour bien vivre ensemble », en vue d’une organisation désirable avec des principes éthiques ; de NOMOS : « mesurer, regarder, gouverner » ; de LOGOS : « interpréter, critiquer et imaginer » en redonnant une place à la sensibilité ; de PRAXIS « agir à la hauteur des enjeux » ; et de DYNAMIS : « se reconnecter à soi, aux autres et à la nature ».

 

C’est à une reconstruction de la pédagogie à laquelle est conviée l’ensemble de la communauté éducative. Les habitudes et « co-habitudes » de chacun sont à déposer, notamment le cloisonnement des disciplines, l’isolement des techniques de leur fondement éthique, la démarche descendante…au profit d’une approche systémique et structurante qui combine la transversalité intégrant les êtres humains et leurs milieux de vie, la vision alliant la diversité et les différences, la promotion de l’esprit critique et de la réflexivité sur les pratiques actuelles.

Ainsi à la primauté du savoir technoscientifique, un partage avec d’autres savoirs est présenté comme nécessaire dans l’apprentissage et dans l’évaluation : savoir-faire, savoir-être et savoir devenir, afin d’être en mesure d’appréhender globalement les situations, de prendre en compte les interdépendances et de se positionner avec responsabilité (de soi-même et envers les autres).

La vision éducative et philosophique telle que suggérée par les auteurs appréhende l’éducation dans son sens plein du terme c’est-à-dire en intégrant « tous les soins nécessaires à la formation et à l’épanouissement de la personnalité » (source CNRTL : Centre National de Sources Textuelles et Lexicales). Elle allie implication personnelle et transformation collective ainsi qu’un ancrage dans le réel, elle intègre la triade « tête-corps-cœur » qui soude sa cohérence. Cette approche intégrale et relationnelle est déclinée en 3 objectifs, 4 piliers pour bâtir, 6 terrains de questionnements correspondant aux 6 portes précitées et compétences, et 7 leviers pour mettre en œuvre, cités dans le schéma ci-dessous.

Des expériences intégrant ces approches et dimensions émergent et quatre d’entre elles démontrent la faisabilité de l’engagement dans cette nouvelle pédagogie : celles de l’Université de Lausanne (CH), du Schumacher Collège lié à l’Université de Plymouth (GB), le Substainability Institute lié à l’Université de Stellenbosch (ZA) et le Campus de la Transition (F). Chacune d’elle développe une pluralité de projets, comme par exemple une diversité des enseignements sur la durabilité, une intégration de la pédagogie « tête-corps-cœur », des recherches inter-disciplinaires, des approches collaboratives et créatives pour la gestion-l’évaluation, un nouveau paradigme dans les rôles des acteurs (autorité vs intelligence collective),  une exemplarité du campus dans ses impacts sur la biosphère, des expériences sur site de projets durables (mobilité, alimentation…), des échanges avec la société… Elles éclairent sur des limites culturelles, comme le poids de la recherche du gagnant-gagnant au détriment d’un équilibre entre les 3 objectifs du développement durable, ou encore la difficulté à donner sa juste place aux enjeux éthiques et politiques.

Pour finir, l’ouvrage cite des outils et méthodes pour conduire cette transformation de la pédagogie et des pistes pour accompagner les acteurs de l’enseignement supérieur.

C’est un appel à s’impliquer dans une nouvelle « société apprenante » telle qu’énoncée dans le rapport Taddei auquel les universités, instituts et écoles sont invités à répondre (nouveau positionnement, nouvelle culture pédagogique, capitalisation des pratiques, valorisation via la création de « mentorats honoris causa » …