Un beau défi lancé conjointement par Émilien RUIZ, historien, Assistant Professor à Sciences Po et auteur d’un ouvrage de référence « Trop de fonctionnaires ? Histoire d’une obsession française » ( cf l’article publié sur notre site à l’occasion de la parution de cet ouvrage) et Mathilde ICARD, DGS du CDG 59 et Présidente de l’Association des DRH des Grandes Collectivités : Réunir durant un séminaire de 3 heures, dans les locaux de Sciences Po, les 3 Directeur, Directrices des écoles de service public formant les cadres dirigeants de l’État, des collectivités territoriale et des établissements de santé publique, pour dialoguer autour des questions de formation, un sujet peu questionné, alors que les enjeux sont très importants dans le contexte de baisse d’attractivité de la fonction publique, mais aussi de crise climatique.

Le séminaire, auquel j’ai eu la chance de participer, était organisé en 3 temps :

  • Un pas de côté, comme nous les aimons à l’Adt-INET ! Ou plutôt un décentrement total avec l’intervention d’Alessia LEFEBURE, sociologue, Directrice de l’Institut Agro Rennes Angers, également Présidente de FPTE (Fonction Publique pour la Transition Écologique), qui a consacré un travail de recherche portant sur les méthodes pédagogiques développées par le Master en Public Administration créé par le Gouvernement chinois, à l’attention de ses fonctionnaires. Cette recherche a fait l’objet d’un ouvrage paru aux Presses de Sciences Po en 2020 « Les Mandarins 2,0 une bureaucratie chinoise formée à l’américaine ».
  • Les interventions des 3 dirigeants-es des grandes écoles du service public, Maryvonne Le Brignonen, directrice de l’Institut national du service public (INSP), Belkacem Mehaddi, directeur de l’Institut national des études territoriales (INET) et Isabelle Richard, directrice de l’École des hautes études en santé publique (EHESP).

Les 4 interventions enregistrées sont désormais disponibles dans leur intégralité ICI 

  • Un dialogue avec les participants, afin d’approfondir les propos des intervenants-es et à travers un dialogue fécond, afin d’esquisser les pistes d’évolution pour améliorer la formation des cadres dirigeants de la fonction publique, pour en faire un levier d’action puissant dans le contexte de la transition écologique.

Je retiens de ces 3 heures d’échange quelques réflexions qui peuvent guider notre projet associatif sur les questions de formation des cadres territoriaux :

  • l’exemple chinois d’une formation destinée aux fonctionnaires, en important des méthodes pédagogiques issues des universités américaines, notamment celle dont il a été question durant le séminaire, à savoir l’étude de cas, montre qu’indépendamment de l’organisation institutionnelle, la formation n’est jamais neutre ; le choix des méthodes pédagogiques répond à une finalité, qui dépasse l’objectif initial de la formation.
  • La méthode des cas, qui repose sur un modèle très formalisé, qui s’enseigne partout dans le monde à partir de l’étude de cas réels et selon une méthode très précise (contexte, résumé de la situation, questionnement pour permettre la discussion), libère la parole, ouvre des espaces de discussions. Une méthode qui semble très adaptée aux situations complexes que nous avons à gérer dans les collectivités territoriales par exemple, notamment dans le contexte de la transition écologique.
  • Un questionnement sur la neutralité de la technicité d’une pédagogie ? Il est donc nécessaire de s’interroger sur les conséquences de la formation sur les transformations sur l’éthos professionnel, l’exemple chinois décrit par Alessia LEFEBURE est à cet égard très éclairant
  • « former c’est transformer par la formation »
  • Les écoles du service public sont des écoles d’application, elles n’ont pas vocation à dispenser des savoirs académiques, pourtant les débats ont mis en lumière la nécessité de renforcer la recherche et de créer davantage de passerelles avec les enseignants chercheurs, car il ne faut pas sur-estimer les acquis de la formation initiale, sans pour autant « perdre l’âme des écoles d’application »!
  • Les écoles de service public utilisent largement aussi la méthode des cas, mais il n’existe pas de référencement au niveau national, qui permettrait de capitaliser à partir de toutes ces expériences
  • Est-ce que notre organisation administrative et donc la formation des cadres dirigeants est à la hauteur des enjeux de transformation de la société et des enjeux climatiques ?
  • La place des dirigeants ou élites, même si la terminologie a été débattue durant le séminaire, dans la conduite des transformations à conduire dans le contexte de la crise climatique est essentielle, les réformes ne peuvent pas se faire si elle ne sont pas portées par les élites.

Je retiens en conclusion des échanges, le rôle fondamental de la formation et donc des méthodes pédagogiques, non pas comme un objet d’étude en soi, mais plutôt comme « véhicule » des transformations sociétales, encore plus aujourd’hui avec les questions écologiques et de défense du vivant. La formation doit permettre de renforcer les discussions éthiques, c’est en cela que les méthodes pédagogiques sont importantes.

Ce séminaire a conforté selon moi l’intérêt des formations continues et des cycles professionnels dispensés par l’INET pour permettre aux cadres territoriaux de s’adapter et d’être acteurs et actrices des transformations du monde, celles qui s’imposent à nous avec le réchauffement climatique par exemple, mais aussi celles que nous voulons voir advenir.

En cela, la formation n’est pas qu’un ensemble de techniques et de modalités pédagogiques, elle est un enjeu de société !