Laurence MALHERBE nous livre quelques réflexions sur l’ouvrage « Lost in Management 3 » du sociologue François Dupuy.

Presque une décennie après la parution du premier tome de Lost In Management, « La vie quotidienne des entreprises au XXIème siècle »suivie en 2016 du tome 2 « La faillite de la pensée managériale », le sociologue François DUPUY vient de publier la fin de la trilogie, sous le titre évocateur des inspirations de Michel CROZIER, « on ne change pas les entreprises par décret » !

Avec ce troisième ouvrage, il propose cette fois au-delà du diagnostic posé dans les deux premiers tomes, des solutions tirées des expériences qu’il a menées au sein de grands groupes, une façon de répondre de manière pragmatique aux questions que se posent les dirigeants, mais aussi de nombreux managers.

Un livre vraiment passionnant pour mieux appréhender nos métiers de manager territoriaux et dont voici quelques idées relevées au fil des 240 pages et qui me semblent intéressantes à partager au regard de notre contexte professionnel :

1-      Il n’y a pas d’action sans connaissance

C’est une première phase indispensable dans tout processus de transformation d’organisations humaines et l’auteur propose pour cela une « théorie de l’action », reposant sur des outils (sociogramme, grille d’analyse stratégique..) permettant aux dirigeants et managers d’accéder à une meilleure connaissance des situations humaines au sein des collectifs de travail. On est au cœur des sciences sociales et de la sociologie des organisations.

Faire l’impasse de la connaissance, avant l’action, c’est l’échec assuré et une forme de paresse intellectuelle des dirigeants que l’auteur dénonce tout au long de l’ouvrage.

2-      La coopération n’est pas naturelle au sein d’organisations qui restent largement « taylorisées »

Leur fonctionnement en silo assure aux agents un niveau d’autonomie qu’ils vont perdre, la coopération impliquant davantage d’interdépendance. Ce constat est particulièrement vrai dans les administrations, comme le rappelle F.DUPUY. Pour autant, il ne faut pas renoncer à la coopération, mais il faut la construire !

La coopération comme la confiance doit se construire et pas faire l’objet simplement de discours incantatoires !

3-      Reconnaître « l’intelligence des acteurs  »

Comme « la capacité de tous les individus à trouver une solution cohérente dans le contexte dans lequel ils se trouvent ou, dans le contexte dans lequel on les a mis », F.DUPUY allant même jusqu’à écrire que « les organisations n’ont pas de problèmes avec la bêtise humaine, mais en ont davantage avec l’intelligence humaine »…

Un constat qui prend une résonance particulière à l’aune de la crise sanitaire qui a montré combien cette mobilisation de l’intelligence humaine au bénéfice de la protection des citoyens avait été forte dans toutes nos collectivités.

4-      « L’organisation n’est pas la structure, le pouvoir n’est pas la hiérarchie ».

Ce constat nécessite au-delà de la connaissance de bien comprendre comment se répartit le pouvoir au sein d’une organisation. Il évoque également la notion de « hiérarchie inversée » qui peut altérer le processus décisionnel, jusqu’à le rendre aléatoire…

5-      Le management par la confiance est l’alternative au management par la coercition

encore majoritaire dans bien des organisations, publiques ou privées, encore faut-il que les conditions soient réunies pour cela, ce qui suppose pour les dirigeants d’accepter de réduire l’imprévisibilité de leurs comportements, pas gagné ! et de reconnaître l’intelligence des acteurs, encore moins gagné !!

Terminer ce rapide balayage de l’ouvrage de F.DUPUY sur la question de la confiance en management est une façon de rendre hommage aux apports de la sociologie des organisations dans ce domaine, car cela renvoie aussi à une réflexion profondément humaniste du fonctionnement des organisations du travail, qui apparaît comme un fil conducteur des trois ouvrages.

Une façon également de rappeler combien l’enseignement des sciences sociales dans les formations en management est indispensable pour bien rendre compte de la complexité de nos organisations, qui ne peuvent jamais se résumer à un organigramme, des procédures et un cadre réglementaire.

C’est en cela que la lecture des ouvrages de François DUPUY est très éclairante.