Le monde territorial bruisse de toute part. Un avant-projet de loi sur la fonction publique est aujourd’hui sur la place publique ainsi que le rapport de la mission parlementaire sur le CNFPT et les CDG. De lectures juridiques exhaustives en commentaires parfois dogmatiques, les synthèses fleurissent. Inutile peut-être d’en rajouter mais plutôt de tenter d’examiner les lignes de force qui fondent l’architecture de ce qui est à ce jour un avant-projet qui va ne va pas manquer de s’enrichir pendant les prochaines semaines des débats parlementaires. Une stratégie bien éprouvée d’un gouvernement sans doute soucieux de ne pas aborder frontalement les 5 millions d’agents publics.
Le statut a fait preuve, depuis la loi Le Pors qui a unifié les règles statutaires au moment de la décentralisation, de beaucoup de plasticité. Il vit aujourd’hui un nouveau projet de réforme d’inspiration libérale en réponse aux transitions majeures que connaissent les services publics. L’élargissement du recours au contrat notamment sur les postes de direction générale a donné lieu à de vigoureuses prises de position de la part des associations d’élus et de territoriaux (l’Entente s’est exprimée à ce sujet) avec aujourd’hui une disposition qui se trouve encadrée par le respect du seuil démographique de 40 000 habitants. Le statut reste le droit commun même si des brèches le fragilisent. L’introduction d’une possible rupture conventionnelle qui complète le dispositif des indemnités de départ volontaire illustre les tentatives de parallélisme avec le droit du travail.
Les lignes de force s’articulent autour de plusieurs points :
–renforcer la représentation des employeurs locaux pour ancrer une vraie instance de dialogue avec le gouvernement et limiter les risques d’une technocratisation accrue sur fonds de simplification des instances avec notamment la possibilité de recours à une CAP unique pour les 3 catégories
–initier des démarches de gestion des RH robustes au sein des collectivités : en anticipant les inaptitudes dans le cadre de démarches GPEEC, en valorisant les parcours et en prenant en compte la construction des secondes carrières, en réarmant le management sur les engagements et la performance et en stimulant les synergies entre les des structures d’appui par un renforcement des collaborations entre les centres de gestion et le CNFPT. En particulier s’agissant des missions d’accompagnement en évolution professionnelle pour préfigurer les secondes carrières et le pilotage des données sociales en support des cadres de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.
–adapter l’offre de services au plus près des besoins des territoires pour garantir une homogénéïté dans l’application du statut. Un traitement équilibré et spécifique pour tenir compte de la coexistence de très gros employeurs locaux et d’un réseau interstitiel de structures plus rurales. Parmi les mesures préconisées : favoriser la régionalisation de certaines missions des centres de gestion en renforçant le rôle des centres de gestion coordonnateurs voire permettre la fusion interdépartementale de ceux qui le souhaitent, revoir le cas échéant le statut du CNFPT en favorisant sa déconcentration et l’extension de ses missions sur le champ concurrentiel, consolider l’intervention des centres de gestion en particulier en milieu rural en mutualisant les expertises et en favorisant leur fonction de « groupement d’employeurs publics ».
– et divers mesures statutaires pour harmoniser les temps de travail, faciliter les recrutements (renforcer et faciliter les processus de recrutement en recourant pour certains métiers en tension aux concours sur titre, en favorisant le recours à l’apprentissage et en améliorant la coordination de l’organisation des concours), accompagner le handicap, promouvoir l’égalité hommes/femmes, valoriser l’accompagnement social de l’emploi (réflexion en cours sur la participation des employeurs aux contrat de protection sociale), mieux gérer les congés et positions statutaires en cas de maladie et les possibles retours à l’emploi,…
Même si les lignes de fond de l’avant-projet sont soulignées dans les titres, il s’agit encore d’une version bêta sur laquelle planent de nombreuses inconnues notamment liées à l’habilitation à prendre des mesures par ordonnance. Le temps sans doute pour les associations professionnelles d’armer des propositions pour faire part des orientations qu’elles souhaitent partager avec les élus pour améliorer les services publics de manière sobre, cohérente et à l’écoute des usagers.
L’ADT INET insiste sur la nécessité de préserver les principes fondateurs du service public. En particulier en ne cassant pas ce qui marche. A ce titre, la formation des agents publics est un enjeu majeur de la prochaine décennie. Les territoires vivent de profondes mutations qu’il convient d’accompagner en étant proche des acteurs de terrain. En cela, le CNFPT est le garant de parcours professionnalisés qui permettent de véritables montées en compétences des agents qui mettent en œuvre les politiques publiques et sont au plus près des besoins citoyens et ce pour toutes les catégories. Déconstruire cette organisation publique au profit du champ concurrentiel serait méconnaître l’essence même des métiers territoriaux et du supplément d’âme qu’un organisme public autonome est en capacité d’instiller.