C’est le titre d’une Conférence du Directeur de GEM (Grenoble Ecole de Management), Loïck ROCHE sur ce qu’est devenu le management aujourd’hui dans les organisations. Alors, bien sur il s’adresse à un public plutôt issu du monde de l’entreprise, mais ce qu’il relate, pourrait très bien se transposer aussi aux managers publics territoriaux que nous sommes, démontrant une fois de plus que l’art de manager s’appuie sur des approches universalistes, qui croisent les théories des sciences de gestion avec les sciences humaines, notamment la philosophie et la psychologie.

Loïck ROCHE nous rappelle simplement que le management c’est gérer la complexité et le manager c’est celui qui doit répondre à une question, c’est celle de la décision et c’est pour cela que les référentiels culturels sont indispensables, car nous savons bien désormais qu’une décision est tout sauf un processus rationnel.

Or que s’est-il passé dans les organisations ces dernières années, si ce n’est la démission, la dilution des responsabilités, l’opacité des systèmes de décisions.

C’est pour cela qu’il convient de penser autrement le management, quitte à aller contre nos convictions et nos croyances pour redonner au management des femmes et des hommes « du sens, de la reconnaissance et de l’espoir », tout ce qui a été perdu en raison de la technicisation du management, via les outils de contrôle, du manque de formation des managers, propulsés dans l’exercice de fonctions et confrontés à la peur, avec tout ce que cela peut comporter comme réactions négatives à l’égard des collaborateurs.

L’auteur de la conférence nous invite à de multiples détours dans la littérature, la philosophie, l’histoire pour étayer son discours et nous inviter à la plus grande humilité dans l’exercice de nos fonctions de managers, même si on mesure chaque minute, à quel point la responsabilité qui nous incombe est grande pour atteindre ce triptyque du sens, de la reconnaissance et de l’espoir, à quoi sert mon travail, quelle est sa signification dans l’organisation et vers quel idéal, à quel projet je contribue, pour que la vie au travail vaille la peine d’être vécue.

Loïck ROCHE fait ainsi référence à l’essai d’Albert CAMUS publié en 1942 « le mythe de Sisyphe, essai sur l’absurde ».

Il revisite les concepts de motivation, d’engagement à travers notamment l’approche contractuelle du travail.
Il réhabilite le management dans son approche physique et non intellectuelle, d’abord faire confiance à ce que l’on sent et l’on ressent, de façon subjective et dans un 2ème temps seulement on traduit le subjectif en éléments de management plus objectifs pour apporter des réponses organisationnelles et managériales.

En écoutant Loïck ROCHE on comprend que tout cela passe par de nouvelles approches managériales, fondées sur la bienveillance, le « slow management », car on oublie souvent que le temps doit être un allié du manager, que le temps que l’on passe auprès de ses collaborateurs à comprendre les situations professionnelles est irremplaçable, pour diffuser les valeurs, la stratégie de l’organisation, écouter y compris ceux qui ne sont pas d’accord. Il nous rappelle que le temps est « un matériau hautement extensif », expression empruntée à Primo LEVI l’une de ses nombreuses références.

Le premier souci du manager c’est de se soucier des hommes et des femmes, de leur bien-être, car ce sont eux  les plus importants dans l’organisation.

En conclusion de son intervention, aux accents parfois assez graves, notamment sur les questions de stress au travail et de ses dérives actuelles, Loïck ROCHE constate que les organisations sont aujourd’hui « sur managées alors qu’elles sont sous dirigées ».
Et d’affirmer que pour aimer les hommes et les femmes dans l’organisation, les managers doivent donner du temps et apprendre à apprendre de leurs collaborateurs.

Une intervention passionnante et instructive à écouter ICI