Titre de la conférence organisée à Sciences Po le 11 mai dernier à l’occasion de la parution d’un document de travail de France Stratégie qui est une synthèse de l’étude de l’Institut pour la Transformation et l’Innovation et dont vous pouvez retrouver le programme ICI.

Près de 4 heures de débats, autour de 2 tables rondes pour tenter d’appréhender les principales conclusions de cette étude menée durant près de 6 ans autour des compétences transversales mobilisées dans des contextes d’innovation et de transformation des organisations, en s’appuyant pour cela sur des apports de la recherche en sciences de gestion, en psychologie, mais également de témoignages d’organisations du secteur privé, mais également du secteur public (avec la participation de la DITP et de collègues de collectivités territoriales en charge de mener des projets d’innovation, dont notre collègue Thierry AMBROSINI a fait partie).

Dans la première tables ronde, les auteurs de l’étude, Brieuc de ROSCOÄT et Romaric SERVAJEAN-HILST sont revenus sur quelques-uns des principaux enseignements de ces 6 années de recherches :

  • l’innovation ne se conçoit pas seul, en cela l’innovation ne doit pas être confondue avec la créativité, l’innovateur ne se définit jamais seul
  • la motivation intrinsèque très forte chez les innovateurs de vouloir transformer les choses, la motivation pécuniaire n’existe pas
  • l’environnement de travail est essentiel, à ce titre on peut dire que le climat de travail au sein d’une équipe est une soft skills ; les hard skills sont peu citées, contrairement aux activités secondaires, qui sont un apport essentiel pour les innovateurs.

Les auteurs de l’étude ont classé les soft skills en 4 grandes catégories, cognitives, conatives, émotionnelles et environnementales, en insistant sur certaines d’entre elles, notamment :

  • la tolérance à l’ambiguïté, la capacité à gérer des éléments flous, en veillant à maintenir un niveau à ne pas dépasser, car trop d’ambiguïté peut conduire les innovateurs à se déconnecter !
  • La pensée intuitive, qui implique d’aller puiser dans son stock d’expériences passées et donc de disposer d’une bonne confiance en soi
  • 7 soft skills pivot : la collaboration, l’empathie affective et cognitive, la persévérance et la pensée rationnelle
  • Avec un profil à éviter absolument le « profil florentin », caractérisé par une empathie cognitive élevée mais un emptahie affective très faible !

Autre élément à prendre en compte, celui de l’environnement, une soft skills ne s’apprend qu’en tenant compte du triptyque : individu, équipe, organisation.

Les intervenants de la table ronde ont éclairé de leurs retours d’expériences, comment ces soft skills pouvaient se déployer dans différents environnements professionnels, ce qui permet de tirer quelques enseignements :

  • les soft skills ont longtemps été exclues dans les processus d’innovation, alors qu’elles sont bien présentes durant tout le processus d’innovation notamment en amont, voire même exacerbés (stress, inconnu, difficulté à expliciter)
  • les soft skills constituent un point aveugle dans la plupart des activités managériales
  • le système éducatif a privilégié des logiques disciplinaires
  • Il faut repenser la façon dont on perçoit les modes pédagogiques
  • La capacité d’innover se joue à l’échelle d’un service, importance de l’encadrement intermédiaire, le soutien institutionnel n’est pas nécessaire pour innover
  • Le rôle de la culture de l’organisation

L’intervention de la Directrice de l’innovation de la DITP a permis de mettre en évidence quelques différences entre les innovateurs du secteur privé et ceux du secteur public. Elle rappelle que la DITP travaille avec près de 60 laboratoires d’innovation publique et que dans ce domaine, les collectivités territoriales sont plutôt en avance ! Pour l’Etat, développer l’innovation publique répond à des objectifs de transformation de la fonction publique et c’est une réponse aux problèmes d’attractivité que connaît le secteur public, en travaillant notamment sur les modes de recrutement, les épreuves des concours et la formation tout au long de la carrière, en intégrant à tous les niveaux les sciences comportementales.

Les autres interventions on également mis en évidence les points suivants :

  • La culture d’innovation (l’implicite) est 4 fois plus prédictive que les processus d’innovation (l’explicite), elle représente plus de la moitié de la performance dans l’innovation, les processus représentant 13%, et il reste 37% d’inexplicable
  • Changer de culture reste long et complexe, le 1er niveau étant la prise de conscience par les acteurs des transformations, expliciter l’implicite
  • Le monde de l’entreprise n’est pas fait pour innover, si l’on passe en revue les soft skills identifiées dans l’étude, une analyse contrastée par l’intervention de la Directrice de l’Innovation du Groupe SNCF qui présente les ateliers de conscientisation des soft skills mis en place par le groupe et proposés à tous les niveaux hiérarchiques, jusqu’à l’encadrement intermédiaire, qui permettent de renforcer le sentiment de performance de certains collaborateurs en leur permettant d’expliciter leurs soft skills. Un retour d’expérience très intéressant pour une transposition dans les collectivités territoriales.

La conclusion de la 2ème table ronde par Henri de GROSSOUVRE , Directeur de la Prospective France et Europe du Groupe Suez a ouvert sur une mise en perspective du facteur clé des soft skills autour notamment de la formation à la pédagogie, qui aujourd’hui n’est pas ou mal enseignée. Il rappelle que la crise sanitaire a accéléré la prise de conscience de l’importance de développer les sokt skills, le télétravail contraint ayant montré aux salariés combien la relation humaine était fondamentale pour la créativité et l’innovation.

Une conférence très intéressante, il a été beaucoup question de la formation des cadres dirigeants, mais également de toute la chaîne hiérarchique à l’apprentissage de ces compétences transversales, qui sont nécessaires pour innover, c’est dans cette perspective que l’étude a été menée, sachant que ces compétence sont aussi indispensables pour développer la coopération, l’entraide, l’épanouissement au travail, peut-être le sujet d’une nouvelle étude !