Notre association était présente lors du séminaire de recherche qui s’est tenu à NICE le 03 octobre, réunissant enseignants, praticiens territoriaux et élus locaux, sur une thématique qui nous est chère à l’Adt-INET « Haute Fonction Publique Territoriale et Gouvernance Locale ».

Jack HEBRARD, Administrateur Territorial et par ailleurs enseignant à l’Université de Nice, à l’initiative de cette journée, s’était donné pour ambition de donner corps, c’est le cas de la dire ! à cette notion de Haute Fonction Publique Territoriale, de la définir, de la caractériser, de la positionner par rapport aux fonctionnaires de l’Etat, aux élus…autant dire que le défi à relever était ardu ! mais la qualité des intervenants et des échanges a sans doute permis d’engager une réflexion de fond, qu’il conviendra d’approfondir pour mieux comprendre les ressorts du dirigeant territorial du XXIème siècle.

Parmi les qualificatifs entendus lors de la journée, pour décrire ce haut fonctionnaire territorial : « automate aveugle de la bureaucratie », « melting pot roturier », à la fois alpiniste et parachutiste. Personnage « hybride », oscillant entre le système de l’emploi et le cadre statutaire, naviguant dans une permanente « zone grise ».

Les débats ont porté, c’est inévitable, sur la question de l’existence d’un corps, d’une profession pour définir le haut fonctionnaire territorial et la réponse semble négative, tant il est difficile d’avoir une homogénéité des individus dans leur rapport au travail, de même que cette catégorie de fonctionnaires territoriaux ne s’inscrit pas dans une logique de reproduction sociale, qui caractérise la notion de corps, quoique l’homogénéisation des profils des candidats au concours d’administrateur pourrait laisser penser le contraire ! mais ce serait sans compter tous les DGS de collectivités de moins de 40 000 habitants dont les profils sont très divers.

Le Président du Syndicat des DGS, Stéphane PINTRE a reconnu les difficultés à faire reconnaître au niveau de l’Etat un statut du Directeur Général des Services, à l’inscrire dans les textes, confirmant ainsi toute l’ambiguïté et l’inconfort de l’exercice de ce métier, vis-à-vis des élus notamment, alors même que les mises en cause pénales de la responsabilité des DGS se confirment. Comment ne pas s’étonner que les DGs ne soient pas admis par les textes à siéger dans les instances décisionnelles !

Tirant les conséquences de cette situation, ne faudrait-il pas évoluer vers une reconnaissance de la fonction, plutôt que du statut, ce qui passerait par une plus grande reconnaissance de la dimension managériale. La question est posée !

Ce colloque a été l’occasion d’en apprendre un peu plus sur ce qui se passe chez nos voisins européens, en Italie plus précisément, dont le gouvernement du Parti Démocrate de Mattéo RENZI mène actuellement une vaste réforme administrative, qui conduit à une remise en question du statut des fonctionnaires, la définition d’un rôle unique des cadres dirigeants, qu’ils appartiennent à l’Etat, aux Régions ou aux communes, la suppression des Préfets dans une vision fonctionnaliste de l’Etat.

La 2ème partie du séminaire a permis aux intervenants de tenter de décrire ce métier de dirigeant territorial et rendons hommage à notre collègue Claude SORET-VIROLLE, d’avoir choisi de faire une présentation volontairement décalée, n’hésitant pas à faire des analogies et autres métaphores, celle du surf, ou encore celle de l’intelligence collective des abeilles. Une bouffée d’oxygène indispensable pour stimuler la créativité et l’imaginaire.

David HURON a également fait la description d’un dirigeant à la fois en quête de recentrage sur les valeurs, mais aussi et c’est une conséquence, un dirigeant guetté par la pathologie du schizophrène, face à des injonctions paradoxales qui ne sont peut-être finalement que des changements de paradigme.

Notre collègue de l’AATF, Marie-Francine FRANCOIS a décrit les jeux d’acteurs et autre enjeux de pouvoirs entre les dirigeants territoriaux, les élus et une autre catégorie de personnel très présente dans nos organisations territoriales, les membres des Cabinets, qui bien que n’ayant pas de véritable statut, disposent néanmoins d’une proximité avec les élus qui leur confère une place très singulière.

Françoise CANIPEL, Directrice régionale du CNFPT a présenté l’INET en rappelant que cet établissement du CNFPT s’est construit à partir de l’Institut des Hautes Etudes Territoriales et sur l’expérience du Cycle Supérieur de Management et des autres cycles professionnels qui se sont créés depuis, notamment le cycle des DGS. Ce constat confirme la place et le rôle de notre association au sein de cet Institut, à la veille de la présentation du « Projet INET 2020 » !

La fin du séminaire a été marquée par un débat politique passionné et passionnant entre un élu local, Adjoint au Maire de la Ville de NICE et enseignant à l’Université de NICE, Bernard ASSO et le politologue Denys POUILLARD, Directeur de l’Observatoire de la Vie Politique et Parlementaire.

Une chose est certaine, les points de désaccord sont nombreux entre la vision défendue par Bernard ASSO, du DGS qui « fait allégeance » à l’élu qui le nomme, qui lui est intimement lié par un contrat de confiance qui fait de lui le co constructeur de l’action publique et plus encore qui le rend comptable aussi des échecs politiques.

Pour Denys POUILLARD, autre vision que celle du dirigeant partie intégrante de la fonction publique et qui dès lors ne peut pas se confondre avec le Politique.

Ce dernier nous a livré une vision à la fois rétrospective et prospective de l’évolution de la fonction publique territoriale qui mérite d’être reprise.

                – la création de la fonction publique territoriale s’est inscrite dans une sociologie électorale, celle de la défaite électorale de la droite en 1977 et de sa revanche en 1983 (Acte I de la décentralisation), puis celle à contrario de la victoire de la gauche en 2008 et de son revers historique en 2014 (Réforme Territoriale).

                – les réformes de la fonction publique territoriale s’inscrivent dans un grand mouvement de réforme de l’Etat

                – en guise de prospective, Denys POUILLARD alerte les dirigeants territoriaux sur le risque d’éloignement du citoyen, dont la proximité est au contraire gage d’efficacité. Selon lui, les actions des collectivités territoriales souffrent d’un déficit de communication et l’état de l’opinion actuellement est très défavorable et fragilise les métiers de la fonction publique territoriale.

Les dirigeants territoriaux doivent se préoccuper rapidement de l’état du marché de l’emploi dans leur secteur du fait des réformes, ils doivent prendre en compte les effets de la loi sur le non cumul des mandats qui va induire des changements dans le personnel politique, dans la relation citoyens/élus, le langage va changer ; ils doivent enfin réaffirmer leur appartenance aux valeurs de la fonction publique, à celle notamment de l’intérêt général, sur laquelle devrait se fonder ou se refonder la confiance entre élus et dirigeants, c’est un effort que chacun doit faire, nous dit Denys POUILLARD, « les élus doivent faire confiance aux fonctionnaires qui agissent dan un état républicain ».

Au terme de cette journée et d’une belle synthèse qui montre combien cette question de la haute fonction publique territoriale reste à préciser, sans cacher toutes les inquiétudes de la profession, l’émergence d’une nouvelle génération d’élus professionnels de la politique, d’une tendance à la contractualisation plutôt qu’à la préservation du statut (dans plusieurs pays européens), à la nécessité d’une meilleure connaissance statistique de la profession, alors que le besoin d’une clarification juridique est posé, même si le droit est souvent impuissant pour traiter de la complexité du métier de dirigeant territorial.

Hasard de calendrier, la Lettre du Cadre dans son numéro d’octobre qui vient de paraître consacre un dossier aux DGS, à partir d’une grande enquête menée durant l’été. A découvrir, de même qu’un très bel article sur un livre consacré à une auteure méconnue décédée en 1933, Mary Parker Follett, dont les travaux portaient sur le management et qui décrivait « le dirigeant comme un créateur de possibles » !

Les actes du séminaire du 03 octobre seront prochainement publiés par le CNFPT.