« En finir avec le New Public Management »
C’était le titre des dernières rencontres internationales de la gestion publiques (RIGP) qui se sont déroulées à Paris en plein cœur du Ministère de l’Economie et des Finances !
Après une entrée dans le sujet un peu conventionnelle mais le lieu implique aussi une certaine solennité, les nombreux participants à cette journée, parmi lesquels une majorité de fonctionnaires de l’Etat et universitaires, quelques territoriaux et le représentant de la 27ème Région, ont très vite pris la mesure des débats, avec l’intervention passionnante d’Ezra SULEIMAN , Professeur de Sciences Politique à l’Université de Princeton, qui présente dans un excellent français la genèse du développement des outils du New Public Management. Il nous rappelle que ce concept est apparu dans le contexte de la crise de la rareté, propice à la multiplication des idées, ayant donné lieu à des réformes administratives assez différentes d’un pays à l’autre en fonction des questions idéologiques, politique et culturelle. L’approche n’est en effet pas du tout la même suivant le niveau d’intervention de l’Etat, ou la conception que l’on a de la nature et de l’étendue des services publics.
Ainsi, la question de la responsabilité de l’Etat dans de la réduction des inégalités est clairement posée au moment de l’émergence du NPM et Ezra SULEIMAN prend l’exemple de la popularité aux USA du livre de Thomas PIKETTY « Le Capital au XXIème siècle ».
Viennent ensuite des tables rondes, associant des personnalités, enseignants chercheurs, membres d’administrations publiques internationales, venus de pays différents, Grande Bretagne, de Suède, Pays-Bas pour débattre des questions de réformes administratives de ces 20 dernières années.
Et le constat semble unanime, si la question de la nécessité de mener des réformes pour adapter les administrations est partagée, la doctrine du NPM n’a pas permis de moderniser les pays dans lesquels ces méthodes gestionnaires se sont développées.
Dans l’atelier sur le changement de paradigme entre usager et client, il apparait même qu’il pourrait y avoir une véritable tension entre le NPM et la démocratie, dans la mesure où contrairement au citoyen qui a des droits et des devoirs, le client n’est pas une partie prenante du processus démocratique.
Les intervenants plaident alors pour un renouveau de la gestion publique à travers l’innovation sociale, en allant jusqu’à proposer la co-production de l’action publique entre le citoyen et les administrations, en redéfinissant le rôle de régulateur de l’Etat et en développant l’expérimentation.
Expérimenter, c’est ce que ces rencontres ont proposé dans la 2ème partie de la journée, en proposant 6 interventions sous forme de Ted (conférences de 20 minutes plutôt habituelles dans le secteur privé) animées par des personnalités brillantes, venues présenter des séries d’innovations et d’expérimentations, d’alternatives aux méthodes gestionnaires du NPM.
Ainsi, on en apprend un peu plus sur les méthodes d’innovation sociale du laboratoire d’innovation publique du Danemark, sur les budgets participatifs qui permettent de reconfigurer certains quartiers au Brésil et d’améliorer le service public, sur les applications mobiles développées en Russie qui permettent aux citoyens un accès plus rapide au service public.
Enfin, 2 interventions pour en finir définitivement avec le New Public Management, celle de Guillaume LE BLANC auteur de « l’invisibilité sociale » qui dénonce la tyrannie de l’évaluation qui disqualifie les invisibles. Il prône une réappropriation des capacités d’agir, du prendre soin de l’autre avec l’autre et non à la place de l’autre, pour « réarmer la parole des précaires ».
Et pour finir donc, l’intervention de Roland GORI. Les mots sont forts, ils résonnent dans une salle qui écoute mais qui n’entend pas toujours le discours qui dénonce les excès de l’évaluation chiffrée, en rappelant que Max WEBER parlait « du romantisme des chiffres », aujourd’hui il faut parler du fétichisme des chiffres ! le citoyen est devenu un segment d’une population statistique.
Les chiffres sont là pour nous faire parler, or aujourd’hui c’est le contraire qui se passe, ils sont là pour nous faire taire ! « Le politique est désormais sous une curatelle technico-financière ».
Alors comment faire pour se réapproprier la démocratie confisquée par la technocratie ?
Pour cela il faut accepter de perdre du temps ! il ne s’agit pas de jeter les chiffres, mais de les réinsérer dans un territoire, un contexte, un récit, une réalité non pas objective mais
transactionnelle, avec une gestion tripartite ( les paires, les citoyens, les gestionnaires).
Roland GORI plaide pour la réhabilitation du récit, une société de la parole qui fait apparaître les conflits dans un champ de débats.
Et pour finir, cette phrase de JAURES : « l’humanité est une parcelle déposée en chaque individu »
Vous pouvez retrouver les vidéos de toutes les interventions ICI. http://video.finances.gouv.fr/lecteur_video_biecran/type/pl/id/ec2ca97b77ece3ea4ced/keypub/fdpsSPhAfTLctuu5HPTg/lang/fr