L’ADT Inet, au coeur des problématiques managériales, a reçu un accueil très favorable de l’AATF et du SNDGCT pour organiser cette rencontre dans les locaux de la Gazette à Paris. L’occasion pour des praticiens territoriaux et une experte de décrypter les spécificités du management francilien.
Isabelle Véron, AATF, DGA de la solidarité au Conseil Général du Val de Marne a animé les travaux. Claude Soret-Virolle, Vice Présidente de l’ADT Inet et DGA du CIG de la Grande Couronne, Florence Baco-Ambrass, SNDGCT et DGS de Crosne (91), Fabien Tastet (AATF et DGS du Conseil Général de l’Essonne) et Catherine Mieg, psychanaliste, membre d’équipes universitaires sur le sujet humain et l’environnement de travail se sont livrés à ce décryptage.
Intervention de Claude Soret- Virolle, DGA du CIG de la Grande Couronne et Vice-Présidente de l’ADT Inet.
[divider scroll_text= » »]
Le territorial francilien (hors Paris) représente 19,2% des effectifs territoriaux au plan national. L’intercommunalité est moins prononcée (elle regroupe 4,1% des effectifs contre 9,8% en moyenne nationale) . Il travaille dans des structures plus importantes. (85,2% des effectifs dans des collectivités de 250 agents et plus contre 63,8% en province. Les filières « culture, sport, animation » sont un peu plus représentées (15,3% des effectifs contre 9,8% dans le reste de la France). Idem pour la filière sociale (10,5% contre 9,2%) et médico-sociale (5,8% des effectifs en Ile de France contre 4,4% ailleurs). Les cadres A et B sont un peu plus représentés ( respectivement : 10,4% de cadres A en Ile de France contre 9% au niveau national et 15,5% de catégorie B contre 13,5% au plan national.)
Le territorial francilien est plus jeune ( 30,3% de la tranche d’âge 40-49 ans contre 32,3% au plan national et pour la tranche d’âge 50-54 ans les proportions respectives sont de 15,3% contre 16,3%)/
L’absentéisme est plus discriminant : les titulaires franciliens ont en moyenne 2,6 jours d’absence de plus que l’ensemble des titulaires. Le résultat est de 1,6 jours d’absence en plus pour les non titulaires. Le nombre d’accidents du travail est plus important en Ile de France que par rapport à la moyenne nationale : 11 accidents pour 100 agents contre 7,4 en moyenne nationale.
Une généralité pour la région francilienne : en 2009, en moyenne, le trajet domicile-travail est de 34 minutes en Ile de France contre 19 minutes en province et 32 % des actifs passent plus de 45 minutes à rejoindre leur travail contre 9% en province.
Statistiques pour qualifier le « territorial francilien »
Intervention de Florence Baco-Ambrass, DGS de Crosne (Essonne) et membre du SNDGCT
[divider scroll_text= » »]
Le temps du manager s’est modifié, intensifié.
Il a 15 fois plus de tâches quotidiennes à effecteur que dans les années 80. En 1988, un cadre avait entre 6 et 15 minutes avant d’être interrompu ( source : Mintzberg). Actuellement, ce temps est réduit sur plage de 1 minute 30 à 4 minutes (source : APEC). Le manager, mobile et connecté est en quelque sorte en « astreinte mentale « continuelle et atteint de « blurring », état dans lequel on ne délimité plus la frontière entre travail et vie privée. A cela se rajoute la problématique des transports en Ile de France. La relation au temps, à l’espace, au travail s’en trouve modifiée. Cela présente certains risques sur la santé mais c’est en même temps un formidable défi à relever pour changer nos modes de travail et de management.
Les risques sur la santé
L’état d’urgence, le rythme intense, la gestion nerveuse peut être anxiogène et provoquer un sentiment de perte de contrôle ou d’impuissance. Ce sentiment d’envahissement peut être source de culpabilité rampante de ne pas avoir assez de temps pour soi, sa famille, ses amis. Stress, malaise, surmenage : les cadres, forts de leur responsabilité, peuvent être amenés à les oublier, les normaliser voire les réfuter.
Les écueils pour l’organisation
Il convient de changer de paradigme. Mettre fin peut être à cette culture du présentéisme : il faut être là tard le soir pour être considéré comme compétent et efficace. Revoir les modes de management, souvent centrés sur un mode hiérarchique de diffusion de l’information, à l’heure où les nouvelles technologies modifient l’accès à l’information. L’heure est à la confiance, au travail horizontal en réseau. S’affranchir de la dictature de l’instantané et rompre avec une forme d’addiction aux mails consultés compulsivement. Ne pas oublier que le manager s’inscrit dans un temps long, propice à la réflexion et à la stratégie.
Les remèdes possibles ?
Il appartient à chacun de les trouver mais le bon sens nous conduit à recommander quelques recettes simples : bien dormir !, redéfinir ses priorités, repousser les dévoreurs de temps, se définir des buts dans un temps limité pour renforcer l’efficacité, connaître ses rythmes et sanctuariser certaines périodes de la journée, repousser le perfectionnisme,…
Les nouveaux défis
Des collectivités ont tenté de formaliser une doctrine collective : guide d’usage de la messagerie, du règlement informatique(Nantes, St Miche sur Orge). D’autres inventent de nouveaux modes d’organisation en valorisant à la marge le télétravail. Le manager est désormais au cœur d’une logique de réseau et d’interactions mutuelles. Il doit être agile et flexible, gérer un mode relationnel pertinent en fixant des objectifs opérationnels , en humanisant la relation aux collaborateurs. De superviseur, gestionnaire, il devient coach ou leader intellectuel. Il devient l’artisan d’une intelligecne collective et revisite le temps conformément au proverbe chinois : « ne craignez pas d’être lent, craignez seulement d’être à l’arrêt ».
baco ambrass le temps du manager
Ethique et management
Fabien Tastet, DGS Conseil Général de l’Essonne, Délégué AATF
[divider scroll_text= » »]
Parler management au sein de nos instances est une excellente chose et nous sort des débats sur le « tout financier » ou le « tout « institutionnel » même si ces derniers ont bien évidemment leur importance.
Nos organisations ont été longtemps tournées vers la gestion des temps. Portons nos efforts sur la relation au temps et la question des conditions de travail. Celle-ci est au cœur des préoccupations de nos organisations.
Le Conseil Général de l’Essonne a bâti un projet managérial : « Ensemble, faire Essonne ». Parmi les chantiers initiés : la relation au temps professionnel (temps subi), la relation temps professionnel/temps personnel. Le mode d’emploi privilégie les propositions ascendantes des agents qui peuvent s’exprimer dans le cadre de groupes de travail. S’il est évident qu’il est difficile de séparer le temps professionnel du temps personnel, faisons en sorte de gérer intelligemment la question de la non séparation de ces deux temps. Codifions par exemple les outils nomades.
L’élu transmet l’exigence de réactivité pour répondre rapidement à la demande sociale. Pour accompagner cette dynamique, redonnons aux collègues la maîtrise de leur temps sans imposer des temps subis sous l’effet de désorganisations.
Parions sur l’intelligence du collectif et sanctuarisons ce temps collectif pour permettre des fertilisations croisées. Prenons le temps de transmettre par le biais de dispositifs internes de tutorat, de référencement de formateurs internes.
La région Ile de France présente de formidables potentialités. Le bassin d’emploi est étendu et permet, avec son million de
fonctionnaires toutes fonctions publiques confondues, de faire une carrière diversifiée, s’appuyant potentiellement sur des mobilités inter fonctions publiques. Ce potentiel est aussi celui dans un contexte de tensions sur certains profils d’une solidarité inter institutions. Pourquoi pas ne pas conventionner entre collectivités voire entre fonctions publiques pour conduire une gestion partagée des profils et des parcours professionnels. C’est le grand pari du partage du management !
Catherine Mieg, psychiatre, membre d’une équipe de recherche universitaire sur le sujet humain et l’environnement de travail, collaboratrice de l’INET pour la formation des élèves administrateurs.
[divider scroll_text= » »]
Il est beaucoup question dans nos organisations du management par objectifs qui est davantage centré sur les résultats que sur le travail. Il conviendrait de remettre le travail au centre du management.
Travail réel, travail prescrit
La subtilité dans le travail c’est la différence fondamentale qui existe entre le travail réel et le travail prescrit. La variable d’ajustement c’est « tout ce que l’on met de soi ». Les évaluations professionnelles sont toutes centrées sur le travail prescrit et en règle générale, on examine les marges de progrès en rajoutant du « prescrit ». Le rôle du manager n’est-il pas plutôt de libérer le temps des collaborateurs pour donner toute sa place à l’initiative, l’innovation et l’efficacité. Cet écart transgressif entre le réel et le prescrit est source de créativité et de qualité de service grâce à l’implication des agents.
La gestion du collectif
Dans certaines collectivités, le collectif disparaît. Pour éviter cela, il convient de restaurer la confiance en évoquant sans censure les problèmes, en valorisant les « inventions ». Il est également important de réhabiliter la responsabilité de chacun en conjurant la solitude de la prise de décision. C’est vraiment dans la construction des règles collectives que la confiance s’entretient.
Mettre en débat l’organisation de son temps
La question sensible de l’organisation du temps est au cœur conditionne celle de la qualité du travail. La relation hiérarchique ne disparaît pas. Le manager a vocation à arbitrer. Il peut le cas échéant décider de modifier les règles, de traiter les écarts à la règle et de générer un consensus sur des accords implicites.
La question de l’autonomie
Les cliniciens du travail sont sceptiques. Il y a un effet paradoxal de l’autonomie vis-à-vis de la reconnaissance. L’agent ne dispose pas toujours des moyens de son autonomie. Il peut ressenti un éloignement de son manager ce qui génère un déficit de reconnaissance. Les prescriptions peuvent diminuer au bénéfice d’un renforcement des objectifs et le mode opératoire est laissé à l’initiative du collaborateur avec des marges d’incertitudes entre le travail prescrit et le travail réel.
La posture managériale
En matière de management, la question du temps est sensible. Le temps n’a pas de valeur en soi. Il relève plutôt de ce que l’on ressent. De son mode de gestion découlent rigueur, créativité.
La relation managériale est une relation de pouvoir et l’objectif est de rétablir la parité dans une relation initialement déséquilibrée. Il convient de faire baisser le seuil des illusions.
Le management suppose de gérer les priorités, de savoir dire non et de plonger dans l’univers de la négociation. Le rapport au temps est parfois égoïste. La générosité du temps appelle la générosité.
Le débat
[divider scroll_text= » »]
Laurent Bacquart, DGS de St Michel sur Orge, membre du SNDGCT, fait part de l’expérience dans sa ville de la mise en place d’une charte des usages électroniques. Il évoque la nécessaire réhumanisation de la frontière temps privé/temps professionnel et évoque la nécessaire tolérance et compréhension de la gestion du temps personnel sur le temps de travail, notamment dans le cadre des démarches administratives personnelles. Il évoque les limites dans les structures moyennes de l’organisation de temps collectifs qui se heurtent au principe de réalité et aux nécessités de continuité de service.