Difficile de résumer et même de donner un titre qui rende compte de la densité des échanges partagés à l’occasion de cette belle rencontre organisée par les auteurs du livre « l’État qu’il nous faut, des relations à renouer dans le nouveau régime climatique», Romain BEAUCHER, Daniel AGACINSKI et Céline DANION, tous les 3 fins connaisseurs de l’action publique, mais avec des parcours différents, rencontre qui s’est tenue dans la très belle salle des mariages de la Mairie du 3ème Arrondissement de Paris, grâce à l’accueil convivial de Raphaëlle REMY-LELEU, conseillère d’arrondissement.
Si la réponse au « quand » fait l’unanimité, tant les urgences climatiques, sociales et démocratiques exigent ne ne plus perdre de temps et de se mettre en ordre de bataille sans plus attendre, le « où » fait aussi l’objet d’un certain consensus, si ce n’est de se mettre d’accord sur la place laissée aux échelons décentralisés de nos institutions, qu’il s’agisse de l’Etat territorialisé ou des collectivités territoriales, pour préparer notre pays au « nouveau régime climatique » (expression empruntée au sociologue et philosophe Bruno LATOUR).
En revanche, le fil conducteur de la conférence « le comment », que l’on pourrait résumer par la formule « planification or not planification » pour mettre en œuvre les transformations écologiques en les rendant soutenable du point de vue social et démocratique, ne fait pas l’unanimité et comme souvent, la réponse est peut-être qu’il faut faire de la planification, mais différemment, en gardant à l’esprit que le niveau très élevé des incertitudes que nous connsaissons en France et dans le monde, très bien rappelé par Francis ROL-TANGUY, auteur de la préface de l’ouvrage, fera partie de l’équation de la nouvelle planification.
Et il y a urgence ! Car aujourd’hui les citoyens ne parviennent plus à communiquer avec un État qui doit retisser des liens avec toutes ses forces vives et notamment les corps intermédiaires, la société civile au sens large, en orientant la concertation vers des objectifs de long terme, c’est indispensable pour construire du consensus autour de l’allocation des ressources stratégiques.
Pour évoquer les propos de leur ouvrage collectif les auteurs avaient invité à débattre 3 intervenants :
Isabelle SAURAT, Secrétaire Générale de l’Administration du Ministère des Armées, dont les propos ont permis d’illustrer à travers le fonctionnement d’un grand Ministère, l’importance de se projeter dans le long terme, la forte autonomie laissée aux différents échelons, grâce à la longue formation des militaires et surtout la fixation d’objectifs clairs et centrés sur la « priorité donnée au soldat et à son environnement ».
Si la transformation se fait à hauteur d’hommes et de femmes, elle se fait avec ces hommes et ces femmes, ce qui pose la question de l’encapacitation des citoyens-nes, mais aussi des agents-es, par la formation notamment dont le rôle est central, c’est ce que Céline DANION a tenu à rappeler, en insistant sur la nécessité de former les personnes à exercer leur citoyenneté, par l’éducation artistique et culturelle, source d’empathie et d’expression des émotions.
Seconde intervenante, Ariane AZEMA qui a commencé sa carrière à la DATAR et qui est aujourd’hui déléguée générale à la Ligue de l’Enseignement , venue témoigner de l’importance du secteur associatif pour accompagner les transformations.
Enfin, déjà cité, Francis ROL-TANGUY, qui a occupé différents postes dans des cabinets ministériels, notamment celui de délégué interministériel à la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim, venu témoigner à la fois d’une demande de plus d’État, mais aussi d’une quête de sens des jeunes qui s’exprime notamment par une perte d’attractivité des métiers de la fonction publique, alors qu’il faudrait davantage s’appuyer sur les 5 millions d’agents publics que compte notre pays. Il a souligné les situations de mal-être rencontrées par ces agents et la nécessité de développer davantage l’autonomie des échelons de proximité dans les services publics.
A l’issue de ces différentes interventions, les discussions se sont engagées entre les auteurs du livre, les intervenants et le public, autour notamment de la question de la planification écologique,avec l’intervention remarquée de Johanna BARASZ, coautrice du dernier rapport de France Stratégie « soutenabilités ! Orchestrer et planifier l’action publique » qui vient de paraître et qui entre en parfaite résonnance avec le fil conducteur du livre de Romain BEAUCHER, Daniel AGACINSKI et Céline DANION autour de « l’Etat relationnel, comme projet pour un nouvel âge de la transformation publique »
Pêle-mêle, les questions dans la salle ont porté sur : la formation des élus, vaste sujet !, l’école collaborative, une école de l’engagement et du lâcher prise, comment planifier de manière décentralisée, comment articuler le plan avec les décisions politiques, quel rôle pour le parlement, ne pas confondre la réforme administrative de l’État et ce que l’on attend du politique (intervention de Nicolas PORTIER, ancien délégué général de l’ADCF (devenue Intercommunalité de France))…
Un constat semblait faire consensus dans les échanges sur la réponse à apporter, qui ne doit pas être instrumentale, il s’agit plutôt « d’armer une volonté politique qui voudrait se saisir de ces questions », avec un « État boussole », qui fixerait la feuille de route, une façon aussi de se doter d’un référentiel commun.
Autant de questions, de réflexions, qui vont continuer à prospérer à l’issue de cette soirée passionnante qui s’est terminée dans la convivialité, autour d’un verre et d’un repas, l’occasion de prolonger les échanges, de faire de belles rencontres et de rappeler que s’il doit y avoir une nouvelle planification écologique, celle-ci ne pourra pas se faire sans y associer tous les échelons institutionnels et notamment les collectivités territoriales !