Des élus, des cadres territoriaux et de l’Etat, des magistrats, des professeurs de droit, regroupés dans le club Marc BLOCH sont les auteurs d’un ouvrage collectif paru aux éditions de l’Harmattan. Boris Petroff, ancien Président de l’INET et co-auteur nous livre sa vision. L’ADT INET s’en fait l’écho, persuadée que la diversité des points de vue, dans un monde territorial en pleine mutation est notre richesse. A l’heure du foisonnement, il est naturel d’ouvrir grands nos chakras à toutes les visions même les plus controversées!
L’article 72 de notre Constitution relatif aux collectivités territoriales a toujours séduit notre auteur et plus particulièrement son second alinéa :
« Ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi ».
Deux enseignements majeurs liés à ce style ampoulé :
- Les collectivités (locales) sont une entité juridique distincte des conseils qui les gèrent. Les collectivités sont de fait constituées par un territoire et tous ceux qui y vivent, travaillent ou y ont un intérêt probant,
- Les conseils élus ne sont que des outils pour concrétiser cette libre administration de ces territoires.
Bref la Constitution (malgré ses évolutions récentes) n’inscrit pas la démocratie représentative dans ses principes. Sinon, elle serait ainsi rédigée : « des conseils élus administrent librement ces collectivités ».
Et c’est fondamental, car la démocratie représentative, pour indispensable qu’elle soit, n’est pas … démocratique !
N’est pas en soi démocratique. Il faut l’accompagner d’autres mesures plus ou moins coercitives (des contre pouvoirs notamment) pour qu’elle reste (redevienne) démocratique, c’est-à-dire ne privant pas les collectivités (ceux qui l’habitent, y travaillent etc.) de leur libre administration.
Vous doutez du raisonnement ? Consultez les résultats des dernières élections y compris locales : les équipes en place sont élues avec un soutien au 1er tour d’à peine 10 % de la population et pourtant elles font ce qu’elles veulent (et souvent c’est bien mais la question n’est pas là) pendant 6 ans et peuvent sans sanction faire le contraire de ce qu’elles ont promis.
Et les réformes successives ces 20 dernières années n’ont fait qu’aggraver la situation et éloigner le citoyen du décideur : le système de délégation représentative est en panne, il est urgent de lui redonner du sens.
Le collectif emporté par Hugues Clepkens lui aussi ancien président de l’ADT INET a initié la rédaction d’un ouvrage collectif sur une nouvelle organisation politique de la France avec, pour principe directeur, de replacer le citoyen au cœur du processus décisionnel.
Très rapidement s’est imposée aux auteurs une organisation politique simplifiée, lisible, seule susceptible de laisser permanent le lien entre le peuple souverain et ses mandataires : une organisation avec deux échelons et deux échelons seulement … la commune et le département.
Ne conserver que deux échelons administratifs
Retour en arrière ? Pas vraiment. l’ouvrage fait une large part à l’histoire de notre organisation administrative, n’est pas nostalgique de ce passé. Et si la proposition est faite d’abandonner l’échelon régional (et son prétexte absurde qui serait de bâtir une Europe en opposant les Régions entre elles) c’est sur le constat de son opacité et l’impossibilité pour le citoyen d’en contrôler ses élus.
Deux échelons donc (et qui ont fait leurs preuves et restent présents dans la construction sociale de notre pays) mais en en réduisant fortement le nombre. Six à huit mille communes, une cinquantaine de départements. Les limites territoriales de ces communes nouvelles ne peuvent résulter d’une quelconque arithmétique ni être fixées dans des cabinets ministériels ou préfectoraux : elles doivent tenir compte des réalités géographiques et historiques, et se construire sur la base d’un projet partagé par ses habitants. Il en va de même pour les départements nouveaux.
Revenir à une intercommunalité et refuser toutes ces strates supra communales qui privent de compétences et de responsabilités les échelons dont les citoyens peuvent garder la maîtrise.
Pour autant la Région parisienne mérite sans doute un statut dérogatoire avec le maintien d’un échelon métropolitain.
Redonner du sens à la libre administration des collectivités territoriales par des conseils élus suggère que ces élus cherchent des solutions répondant aux besoins objectifs des populations qui composent leur territoire et non de la demande, moins encore de l’offre.
Ce qui ne les empêche pas, tout au contraire, de se présenter aux suffrages de leurs électeurs avec un projet politique clair et cohérent pour ce territoire. Il peut y avoir de nombreuses façons de répondre à des besoins objectifs.
Et l’intérêt général n’est pas la simple somme des intérêts particuliers.
Doter les citoyens de contre pouvoirs
Les avancées indéniables en matière de participation que nous avons connues ces dernières années ne doivent pas être l’arbre qui cache la forêt : les citoyens sont informés, au mieux consultés mais ils ne participent pas à l’acte décisionnel.
Il ne suffit pas de voter tous les 6 ans pour assurer une gestion démocratique d’un territoire.
En outre cette légitimité strictement électorale souffre de deux défauts : elle ne tient pas compte du fait que nous vivons sur deux ou trois territoires (quand nous ne pouvons être électeur que sur une seul) et qu’une forte proportion de « citoyens » d’un territoire n’y ont pas droit de vote et n’ont donc pas voie au chapitre bien qu’il s’agisse de leur vie quotidienne et qu’ils paient l’impôt local (notamment les étrangers).
C’est pourquoi nous proposons de donner aux citoyens des moyens juridiques nouveaux. Comme par exemple la possibilité d’inscrire une problématique à l’ordre du jour des assemblées et bénéficier pour cela du concours de l’administration locale, ou ouvrir un droit d’amendement des projets débattus en assemblée. Cela peut aller jusqu’à demander par référendum la révocation de ses élus. C’est aussi de nouvelles règles pour associer les citoyens à la gestion d’un service public local, l’obligation du rendre-compte.
Cela passe aussi et encore par la reconnaissance de l’expertise locale et le développement d’un contrôle interne de la légalité des actes juridiques et budgétaires de la collectivité… Etc.
Avec un Etat fort
Pour autant une République réellement décentralisée, dans une Europe démocratique et sociale, avec des citoyens qui restent aux commandes, ne peut exister qu’avec un Etat fort : qui garantisse à tous les citoyens une égalité de leurs droits fondamentaux (éducation, culture, sécurité, logement..), assure une péréquation fiscale entre collectivités ET veille à ce que les règles de survie écologique s’imposent à tous.
Bien sûr ce chantier institutionnel doit aller de pair avec une remise à plat des finances locales. Il ne peut y avoir de liberté et donc de démocratie locale sans libre vote des taux de fiscalité locale. Et la proposition avancée est celle d’un mix constitué de trois sources de finances : des impôts locaux + une part de fiscalité nationale +des dotations d’Etat (assurant une péréquation entre collectivités).
Cet ouvrage est aujourd’hui rédigé et publié et son nom est explicite : «Citoyen ! Plaidoyer pour une démocratie locale renouvelée »
Ces propositions peuvent sembler utopiques : nous sommes convaincus du contraire… et tout aussi convaincus que les « citoyens » sont tout à fait prêts à s’impliquer : ce n’est pas la politique qu’ils rejettent mais le système politicien qu’ils ont sous les yeux et vivent depuis trop longtemps.
Ce livre a été rédigé à de nombreuses mains… qui témoignent de la diversité politiques de ses auteurs. Certains sont magistrats, d’autres professeurs d’université, hauts fonctionnaires de l’Etat et bien sûr cadres territoriaux. Tous ont à cœur de donner une vie nouvelle à la décentralisation.
Et tous ont conçu cet ouvrage comme une base pour débattre.
Pas de démocratie locale sans démocratie et pas de démocratie sans débat.
A la clé un débat: le 9 novembre prochain au Palais du Luxembourg de 14h à 17 h (entrée libre sur inscription préalable). Programme et modalités d’inscription ici :
https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=harmattan&sr=8
Boris PETROFF