« Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez plus à travailler un seul jour de votre vie » Confucius

Même s’il est encore très difficile de parler du bonheur dans la sphère professionnelle, sans que cela suscite beaucoup de réticences, qu’il s’agisse des employeurs, des salariés ou des organisations syndicales, force est de constater que par petites touches, les choses commencent à évoluer, au sein même de la fonction publique territoriale.

En témoigne l’organisation d’une journée d’actualité par la délégation Régionale du CNFPT PACA qui a réuni le 10 mars plus d’une centaine d’agents territoriaux venus écouter la conférence donnée par une spécialiste du bonheur au travail, Marie-Pierre FEUVRIER DEMON  , qui vient de terminer un doctorat sur cette thématique, mené en partenariat entre l’Université d’Angers et celle de Sherbrooke au Québec.

Pendant près de 4 ans, cette praticienne de la formation pour adulte, qui avait déjà un parcours orienté vers les métiers dans l’accompagnement individuel et collectif et de reconversion professionnel, a étudié les très nombreuses études menées partout dans le monde sur les sciences du bonheur et ce que l’on appelle la psychologie positive.

Partant de sa propre expérience et de ce qu’elle a pu expérimenter et ressentir lorsqu’elle exerçait une activité qui lui procurait du bien-être, elle est arrivée à la conclusion que le bonheur s’apprend et donc, qu’il est possible et même hautement souhaitable dans le contexte actuel de grandes incertitudes économiques et de dégradation des conditions de vie au travail, de développer les formations sur le bonheur au travail, d’abord pour soi, en tant que manager, mais également pour les collaborateurs.

Certains pourront rétorquer que c’est utopique, voire dangereux de vouloir ainsi « faire le bonheur des gens », alors que majoritairement les managers pensent que le bonheur appartient à la sphère privée, que l’activité professionnelle n’est pas en lien avec ce sentiment.

Et pourtant, ce n’est pas ce que démontrent les centaines d’études conduites par le grand spécialiste du bonheur, Mihalyi CSIKSZENTMIHALYI, chercheur en psychologie, auteur de nombreux ouvrages dont « vivre, la psychologie du bonheur » paru en 2004.

Les travaux de Marie-Pierre FEUVRIER DEMON ont le mérite d’avoir entrepris de faire une synthèse des théories sur le bonheur, non pas pour les juxtaposer les unes aux autres, mais pour les étudier sous une forme réflexive, qui permette de dégager ce qui fait qu’une activité va nous procurer un sentiment de bien-être, que nous pouvons appeler bonheur, celui que l’on vit ici et maintenant et non pas celui que l’on ne peut atteindre que dans l’au-delà ou dans les luttes révolutionnaires.

Elle démontre ainsi, qu’il est possible d’agir sur les déterminants du bonheur de chaque individu, alors même que le capital bonheur de départ n’est pas le même. En effet, les recherches scientifiques tendent à prouver que les gènes que l’on a identifié comme étant des déterminants du bonheur peuvent se modifier, sachant que si l’on met de côté les 10 à 20% de facteurs extérieurs (conditions de vie pare exemple), il est possible d’agir sur les 40% qui vont dépendre de nous et de ce que nous mettons en œuvre pour accéder au bonheur.

La conclusion de Marie-Pierre FEUVRIER DEMON est que le bonheur au travail est d’abord un processus au terme duquel la sensation de travailler disparaît, si l’on atteint un équilibre entre les capacités, les talents que l’on développe et que l’on peut faire progresser et les défis ou les buts que l’on se fixe. En-deçà de cet équilibre, l’ennui peut survenir et au-delà, si les défis sont trop élevés par rapport à nos capacités, c’est le stress qui survient.

La bonne nouvelle pour les managers, c’est qu’il est possible d’agir dans nos pratiques professionnelles, pour maintenir cet équilibre, c’est même notre rôle de manager, mais cela suppose quelques points de vigilance : d’abord que les buts soient clairs et cela renvoie à cette question fondamentale du sens et des valeurs de l’organisation, cela suppose également du temps pour bien connaître dans les activités de nos collaborateurs, celles qui suscitent le plus de l’intérêt, cela suppose enfin de l’autonomie dans l’accomplissement des tâches, dès lors que le cadre est clair et partagé.

Pour Marie-Pierre FEUVRIER DEMON qui intervient régulièrement pour le CNFPT, dans le cadre des parcours de formation sur la créativité, mais aussi directement en collectivité, l’enjeu du bonheur au travail est fondamental, car il est la source de la performance de l’organisation et de la santé au travail des agents, d’autant plus dans cette période de grande transition, voire de déséquilibre entre 2 équilibres, celui qui est encore prégnant dans nos organisations, hérité du modèle taylorien (ordre, règles, pouvoir clair, sécurité, routine, motivation extrinsèque, obéissance), et celui qui commence à émerger avec l’accès au monde du travail de la génération Z, assise notamment sur les nouvelles technologies (multiplicité des règles, nouveauté, créativité, motivation intrinsèque, autonomie et responsabilisation).

Aujourd’hui, les signaux faibles de la transition sont de plus en plus forts, les approches scientifiques, mais aussi celles des sciences humaines, voire des modèles alternatifs en management et en économie, convergent vers cette nouvelle approche de ce que l’on appelle bien-être ou bonheur au travail.

Il est indispensable que les DRH et les équipes de Direction Générale des collectivités territoriales s’approprient ces approches, les diffusent dans les pratiques managériales, afin d’accompagner cette transition pour le temps qu’elle durera, c’est notre défi de manager !

Pour aller plus loin sur ces questions :
Une interview de Marie-Pierre FEUVRIER DEMON qui présente ses travaux sur le bonheur. A écouter ICI