Le Pôle Citoyenneté et Affaires Juridiques du CNFPT, porté par l’INSET d’Angers a organisé les 6èmes Rencontres Juridiques des Collectivités Territoriales qui se sont tenues les 04 et 05 novembre au Centre Interdépartemental de Gestion de la Petite Couronne.
C’est devant une salle comble que Anne RINNERT, Responsable du Pôle Citoyenneté et Affaires Juridiques du CNFPT a présenté les enjeux de ces rencontres autour des multiples réformes qui impactent la vie des juristes territoriaux : réforme de la commande publique, réforme des relations entre les usagers et l’administration, réforme territoriale ; l’occasion également de s’interroger sur les nouveaux enjeux du service public, autour notamment de la laïcité et des mutations qui touchent le statut de la fonction publique territoriale.
Alors que retenir de ces 2 jours, au regard des préoccupations qui sont celles d’une association de dirigeants territoriaux, telle que l’Adt-INET :
D’abord que la vitalité des associations professionnelles de la Fonction Publique Territoriale est un gage d’efficacité pour nos organisations, car le succès de ces Rencontres est aussi à mettre à l’actif de l’investissement des membres de l’ANJT (Association Nationale des Juristes Territoriaux), présents sur plusieurs ateliers; l’association tient son AG lors de ces Rencontres, l’occasion de mentionner que cette association territoriale compte plus de 300 membres.
Ensuite le rôle majeur du CNFPT dans le mise en réseau des territoriaux, car ces Rencontres sont aussi l’occasion d’échanger sur nos pratiques et de rencontrer des collègues de toutes les collectivités, réunis autour d’intervenants de très grande qualité, associant notamment des fonctionnaires de l’Etat, le SGMAP était bien représenté pour présenter la réforme du Silence Vaut Acceptation, mais également des élus locaux avec la présence remarquée de René VANDIERENDONCK, Sénateur du Nord et rapporteur de la loi NOTRE au Sénat et Philippe BONNECARRERE, Sénateur du Tarn en charge d’une mission parlementaire sur la commande publique, sans oublier les cadres territoriaux présents dans tous les ateliers.
Sur le fonds des débats de ces 2 jours, difficile d’en faire une synthèse exhaustive, les Rencontres ont été filmées et elles feront l’objet d’une mise en ligne sur le site du CNFPT.
On peut néanmoins retenir de ces échanges plusieurs constats :
L’omniprésence, voire l’obsession de l’approche économique dans les réformes qui viennent impacter l’organisation des collectivités territoriales. C’est le cas notamment de celle sur le Silence Vaut Acceptation, clairement affichée comme une mesure de simplification à l’égard des citoyens, mais surtout semble-t-il, si l’on retient les propos des représentants du SGMAP, comme un dispositif censé relancer la compétitivité des entreprises, la complexité administrative empêchant les entreprises de se développer.
Ce que les territoriaux retiennent au contraire de cette réforme, c’est bien la création d’une nouvelle complexité administrative, doublée d’une insécurité juridique qui ne va certainement pas améliorer les relations entre les usagers et leurs administrations !
A quelques jours de l’entrée en vigueur de la réforme du Silence Vaut Acceptation, les décrets ne sont pas encore publiés, ils le seront la veille…, beaucoup de questions demeurent et comme il a été rappelé lors de l’atelier, elle intervient en même temps que d’autres réformes, notamment la réforme territoriale, mais comme les représentants du SGMAP l’ont souligné, cette réforme n’était pas là pour simplifier la vie et le travail des juristes territoriaux, nous l’avons bien compris ! de même qu’il a été rappelé que cette réforme n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact ni d’aucun débat parlementaire.
Autre atelier, autre ambiance, avec la présentation de la réforme de la commande publique, qui devrait permettre aux acheteurs territoriaux d’entrer dans une nouvelle ère de l’achat public, celle de la confiance et de la professionnalisation, avec un équilibre qui reste à construire entre le Droit Communautaire et des objectifs plus militants, parmi lesquels l’insertion des clauses sociétales et environnementaux. Un défi s’ouvre pour la commande publique, celui d’accéder au statut de politique publique à part entière, c’est le souhait exprimé par Pierre VILLENEUVE, Directeur des Affaires Juridiques, Déontologue à la Région Bretagne.
La 2ème journée a été l’occasion de débats passionnants sur la question de la laïcité avec des éclairages apportés par Maître Yvon GOUTAL, habitué de ces Rencontres et qui connaît parfaitement bien les collectivités territoriales.
Cet atelier a été l’occasion de rappeler ce qu’est et n’est pas la laïcité avec toutes les arrières pensées politiques qui l’instrumentalisent, notamment depuis les attentats de janvier dernier.
L’occasion de rappeler que la laïcité s’impose à l’administration et non aux usagers du service public, elle n’est pas le rejet des religions, mais au contraire le garant du principe de la liberté religieuse, l’enjeu étant de concilier laïcité et expression religieuse.
Maître GOUTAL rappelle ainsi que la neutralité religieuse, si présente dans notre pays, n’est pas une valeur universelle. Il rappelle également la confusion entre service public et espace public. Ainsi, l’école est une institution laïque, les fonctionnaires ont un devoir d’impartialité, mais les élèves ne sont pas laïcs.
Cet atelier a également été l’occasion de présenter la révolution copernicienne intervenue au sein de l’Education Nationale à la suite des attentats de janvier dernier, autour de la question de la laïcité. Brigitte ESTEVE-BELLEBEAU, référente académique laïcité au Ministère de l’Education Nationale et philosophe a présenté le vaste plan engagé auprès de l’ensemble des personnels de l’Etat, destiné notamment à former les enseignants à accueillir la parole, à aider à la distanciation et au développement d’un esprit critique chez les élèves. Grand défi pour ce Ministère !
Dernier atelier, mais non des moindres consacré à la déontologie et au projet de loi en cours de discussion au Parlement sur la déontologie et les droits et obligations des fonctionnaires, l’idée étant là-aussi (comme dans la réforme du Silence Vaut Acceptation) de retisser des liens entre les citoyens et leur fonction publique.
Maître Yvon GOUTAL remarque avec malice que dans le projet de loi, toutes les obligations relèvent de valeurs morales, mais qu’il n’y a rien sur l’efficacité, l’expertise ou encore le professionnalisme des fonctionnaires.
Difficile donc de synthétiser les 2 jours d’échanges, mais il est certain que toutes les questions abordées montrent que notre fonction publique est engagée dans un vaste mouvement de réformes qui tiennent notamment aux évolutions sociétales profondes qui touchent la société française et nous avons souvent défendu au sein de notre association, l’idée que les dirigeants territoriaux doivent rester en phase avec ces évolutions, pour mieux les accompagner, voire à les porter, c’est toute la question du militantisme de l’action publique locale.
Ces 2 jours sont le signe d’une réelle posture pro active des juristes territoriaux face à ces enjeux de société et c’est très encourageant pour les années qui viennent, même si ces réformes sont aussi des moments de tensions au sein de nos organisations, tensions qu’il ne faut pas négliger et qui concernent aussi l’exercice du métier de juriste territorial, peut-être un sujet pour de prochaines rencontres !.
Bravo donc aux organisateurs, à Anne RINNERT et aux membres de l’ANJT présents, dont le dynamisme témoigne de l’engagement des territoriaux au sein des associations professionnelles.