Comment écrire sur le management, le jour du grand rassemblement de tous les français pour défendre les valeurs de liberté d’expression et de fraternité, qui prennent d’un coup une dimension très concrète, vécue, subjective et qui sont peut-être, qui sait…le début d’une nouvelle réalité, celle d’un humanisme planétaire, après un long processus de construction historique, commencé en France à l’époque de la Renaissance !
« Qui se connaît, connaît aussi les autres, car chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition » MONTAIGNE, extrait des Essais.
Ce qui réunit aujourd’hui la famille humaine, quelles que soient les convictions religieuses, les appartenances politiques, les origines socioculturelles est aussi ce qui doit réunir les managers de nos organisations publiques locales.
En effet, on ne compte plus le nombre d’ouvrages parus ces dernières années pour dénoncer les dérives d’un management, responsable de bien des souffrances dans un certain nombre d’organisations, sans parler du désengagement et d’une démotivation de bien des salariés et les collectivités territoriales n’échappent pas à ce constat.
Toutes les disciplines des sciences sont convoquées au chevet du management. Les sciences sociales et humaines, avec par exemple François DUPUY, qui après « lost in management » paru en 2011 et qui dénonce la rhétorique managériale et les dérives d’une bureaucratisation des organisations privées et publiques, sort le Tome 2 au titre tout aussi évocateur, « la faillite de la pensée managériale ».
Les sciences qui s’intéressent au fonctionnement du corps et de l’esprit, dénoncent également depuis longtemps déjà, l’emprise des techniques de gestion, rassemblées sous le vocable du New Public Management, qui visent à instrumentaliser et à objectiver les rapports socio économiques entre les salariées et ceux qui détiennent le pouvoir au sein des organisations. Parmi les nombreux ouvrages de référence, celui de la philosophe Michela MARZANO paru en 2010, au titre sans ambigüité « extension du domaine de la manipulation, de l’entreprise à la vie privée ».
Il est temps, face aux échecs de toutes ces techniques, de renouveler la pensée managériale et de la mettre en cohérence avec les évolutions sociétales que l’on constate en ce moment, certes encore à l’état de signaux faibles, pour cheminer vers une humanisation du management.
Pour cela, il faut commencer par donner un sens vécu et subjectif au contenu de nouvelles pratiques managériales, afin que la rhétorique de type « remettre l’humain au cœur des organisations » ne reste pas une déclaration d’intention, mais que chacun quelle que soit sa fonction, puisse ressentir cette humanisation du management.
Et cela doit commencer par la formation des dirigeants ! car notre système éducatif qui s’est construit depuis quelques décennies sur une mise en scène de la compétition dès l’école, l’élitisme qui empêche l’émergence d’une diversité des parcours et des apprentissages qui ont délaissé les sciences sociales et humaines, au profit de techniques de gestion.
La bonne nouvelle c’est que les choses commencent à changer ! on voit en effet émerger ça et là des initiatives et de nouveaux contenus de formations, qui traitent très concrètement de la relation humaine au sein des organisations et qui interrogent désormais la performance économique à l’aune d’une relation entre les salariés et les dirigeants des entreprises, fondée sur la recherche d’un rapport de respect mutuel entre les dirigeants et les salariés. Ces initiatives prennent la forme d’actions sur la qualité de vie au travail, un protocole a d’ailleurs été signé dans la fonction publique, de grandes entreprises revoient leurs modes de fonctionnement et n’hésitent pas à réinterroger le partage du pouvoir au sein de leurs organisations (à lire l’excellent ouvrage du psychiatre Eric ALBERT « partager le pouvoir c’est possible » et qui dirige l’Institut Français d’Action sur le stress), d’autres parlent de « libérer les entreprises » (c’est ce que propose le psychologue Isaak GETZ, professeur à l’ESCP Europe) et certains parlent désormais de bonheur au travail !
Dans la fonction publique territoriale aussi la situation est en train d’évoluer favorablement, avec par exemple le travail engagé par le CNFPT pour adapter le contenu des formations pour concrétiser cette nouvelle approche du management. A noter par exemple la sortie de l’ouvrage d’un grand spécialiste de la formation dans la FPT, Denis CRISTOL, Directeur de l’ingénierie de la formation au CNFPT, qui sort un ouvrage dont le titre se suffit à lui-même « Humaniser la formation des dirigeants » aux Editions l’Harmattan.
Il appartient désormais aux dirigeants, managers, de donner davantage de sens et de corps à l’humanisation du management, afin que tout cela ne reste pas que des concepts, mais que nous puissions décliner des actions concrètes au sein de nos organisations, en nous appuyant sur nos équipes, avec courage, audace en ne se laissant pas rattraper par la technique, qui a toute sa place, mais n’est pas la finalité du management.
Les grandes réformes administratives en cours au niveau de l’Etat, mais également des collectivités territoriales doivent constituer un champ d’expérimentation pour de nouvelles pratiques managériales. Performance organisationnelle et éthique humaniste doivent s’enrichir mutuellement, c’est la seule voie pour tourner définitivement la page du management du XXème siècle !
Edgar MORIN nous enseigne que l’Humanité ne parvient pas à advenir, car nous n’arrivons pas à donner un contenu subjectif et vécu à l’éthique humaniste.
Espérons que les événements dramatiques qui viennent de porter atteinte à la liberté d’expression dans notre pays serviront cette cause, de même qu’il y aura une prise de conscience dans nos organisations, de la nécessité d’humaniser le management !