Celles et ceux qui liront ce billet connaissent certainement les MOOC (Massive On line Open Courses), un concept venu d’Outre Atlantique, pour désigner une nouvelle forme d’apprentissage sur internet, la plupart du temps totalement gratuits et dispensés par des universités ou de grandes écoles, en complément des cours diplômant en présentiel. Conçus à partir de vidéos ponctuées de tests de connaissance, avec en complément un forum d’échange, les MOOC s’inscrivent pleinement dans la société de la connaissance qui jaillit dans les interstices entre activité professionnelle, vie familiale et temps de loisirs.
En tant que cadre territorial, nous serons amenés de plus en plus à nous intéresser à ces nouvelles formes d’apprentissages, ne serait-ce qu’en qualité de recruteur, car aujourd’hui les MOOC donnent lieu à l’établissement d’une attestation et certains figurent déjà en bonne place sur les CV de candidats à la mobilité ou de jeunes entrant sur le marché du travail.
Guidée par la curiosité, je me suis donc inscrite à un MOOC, celui dispensé par la Chaire Edgar Morin de la complexité de l’ESSEC dont le titre « l’avenir de la décision : connaître et agir en complexité » m’est apparu tout à fait adapté aux préoccupations des cadres territoriaux aujourd’hui.

Au final, plus de 12 000 personnes du monde entier se sont inscrits à ce cursus de 6 semaines, totalement gratuit, alternant des vidéos d’Edgar MORIN, plus de 30 au total, des interviews de praticiens et des interventions de professeurs de l’ESSEC. Chaque semaine se terminait par des quizz de compréhension, permettant de vérifier la compréhension des concepts de la pensée complexe.
Difficile de résumer cette expérience originale d’apprentissage, car au-delà du contenu des cours, dense, riche et parfaitement en adéquation avec les problématiques des collectivités territoriales, preuve que les travaux d’Edgar MORIN doivent davantage irriguer les pratiques managériales, ce MOOC a été aussi une expérience humaine incroyable, qui se poursuit encore plusieurs semaines après l’arrêt des cours, avec la constitution d’une communauté d’échanges autour de la pensée d’Edgar MORIN. Notre objectif : poursuivre les apprentissages et diffuser cette pensée dans nos milieux professionnels respectifs, pour capitaliser les savoirs et les enrichir.

Que nous apprend Edgar MORIN : Que la complexité, ce mot valise utilisé pour rendre compte de l’impossibilité de décrire une situation, est un défi à la pensée linéaire, elle suppose donc un effort de contextualisation ; Que la réduction et la compartimentation sont les ennemis de la connaissance complexe ; Que le paradoxe, c’est que des vérités apparemment contraires, mais en réalité complémentaires, se retrouvent pour décrire le même type de réalité ; Que la connaissance complexe est une connaissance globale qui relie des éléments séparés, qui s’oppose aux vérités partielles et partiales, sources d’erreurs et d’illusions ; Que l’incertitude qui est partout est aussi croissante, qu’elle fait partie de la complexité, qu’il faut « s’attendre à l’inattendu » ; Qu’il n’y a pas de connaissance qui ne soit le résultat de nos interprétations et de la reconstruction de la réalité à partir notamment de nos émotions.

Au fil des semaines, Edgar MORIN explore la complexité à travers, l’individu, plus précisément la « trinité humaine », à la fois individu, espèce et société ; « nous sommes dans la société et la société est en nous »; cette complexité qui fait de l’être humain, un être de passion et de raison, à la fois biologique et culturel, contrairement à la pensée de Descartes qui a séparé la nature des êtres humains, unité et diversité, nous sommes tous semblables par les émotions que nous ressentons et en même temps il n’y a pas 2 individus identiques sur la planète.

Les 2 dernières séquences, ouvrent la voie d’une meilleure compréhension de l’entreprise, avec une interrogation sur la mondialisation, qui est présente en chacun de nous, sur l’accélération des progrès techniques, qui provoque une « crise de l’humanité qui n’arrive pas à devenir humanité », un danger de régression et en même temps une formidable espérance ! car la mondialisation est aussi une opportunité d’associer des notions contradictoires, celles du développement et de l’épanouissement individuel et de l’émergence de communautés nouvelles et Edgar MORIN de conclure sur cette séquence que « les virtualités de l’humanisme doivent devenir universelles », telle une aspiration à l’avènement d’un humanisme planétaire, seul capable de passer de la solidarité objective, celle de l’Union Européenne à la solidarité subjective, vécu et pour l’instant tout reste à faire !

La dernière séquence est consacrée à l’entreprise, l’occasion pour Edgar MORIN de s’appuyer sur toutes les séquences des premières semaines pour rappeler l’urgence d’aboutir à une humanisation de l’entreprise. L’humain doit être au cœur de l’entreprise citoyenne ! et de rappeler que l’entreprise est une organisation vivante, complexe dont l’unité est fondée sur la diversité de ses composantes. L’entreprise produit des biens et des services mais et on l’oublie souvent, elle a aussi une fonction d’autoproduction. C’est pour cela que l’entreprise doit combiner hiérarchie, anarchie (part spontanée qui n’obéit pas aux règles), polyarchie, mais aussi centrisme, acentrisme ( tout ce qui se fait sans passer par une obéissance au centre) et polycentrisme. Il met en évidence le principe de « résistance collaboratrice », cette façon pour les salariés de résister à des ordres qui deviennent inhumains, de façon à améliorer le fonctionnement de l’entreprise. Pour Edgar MORIN, c’est par l’humanisation de l’entreprise que passe la compétitivité de demain.

Ces 6 semaines ont été très riches d’apprentissages, un moment privilégié de prise de recul, une occasion unique de partager la pensée d’Edgar MORIN, en l’écoutant tout simplement.