Un thème récurrent, abordé lors du forum RH des collectivités locales, le 17 juin dernier, organisé par la Gazette des communes, animé par Emmanuelle Quémard, et auquel l’ADT Inet avait été conviée.

Un socle statutaire solide

Anicet LEPORS, Conseiller d’Etat honoraire, ancien Ministre de la Fonction Publique et des Réformes administratives, Myriam BERNARD, Directrice Adjointe de Cabinet de Marylise LEBRANCHU, chargée de la fonction publique et Françoise DESCAMPS-CROSNIER, députée des Yvelines, rapporteur du projet de loi « déontologie », se sont accordés pour reconnaître la solidité du statut et sa profonde adaptabilité. Il a résisté à pas moins de 225 modifications législatives et 300 modifications réglementaires. Si la fonction publique territoriale, jeune pousse, est apparue souvent comme le maillon faible des trois fonctions publiques, elle n’en est pas moins exemplaire. Elle garantit le double système de la carrière et de l’emploi et une gouvernance bicéphale élu/direction générale. Son architecture, dont la solidité est éprouvée, lui a permis de traverser différents trains de réforme, la dernière en date avec ses 3 volets (loi MAPTAM, loi « Cazeneuve » sur la délimitation des Régions et la loi NOTRe prochainement promulguée) n’étant pas la moindre. Car la fonction publique territoriale repose sur des principes fondamentaux d’égalité, d’indépendance et de responsabilité. Ce discours de réassurance s’est étendu aux agents : « il n’y aura pas de mobilité forcée » et « les mobilités « naturelles » resteront de loin supérieures aux mobilités  « induites »… ». Certes, l’encadrement statutaire d’accompagnement des transitions s’est consolidé, notamment à la faveur des interventions de l’Entente, cette organisation collaborative d’associations professionnelles (AATF, ADT Inet, AITF, SNDGCT, ANDASS, ANDGGC et prochainement ANDGCF). Plusieurs des 12 propositions faites à Mme le Ministre ont fait l’objet d’amendements aboutis au projet de loi NOTRe : garanties statutaires pour les postes fonctionnels de direction générale supprimés du fait des fusions, perspective de valorisation des emplois à vocation fonctionnelle (article 6-1 de la loi du 26 janvier 1984), portabilité des contrats de protection sociale et des participations des collectivités d’origine…sans toutefois qu’ait été retenue la préconisation d’ une obligation de participation à la complémentaire santé voire prévoyance des agents, une forme d’une ANI territoriale par référence à l’obligation qui pèse sur les employeurs privés à compter du 1er janvier 2016…Préconisation reprise par Philippe CHOU, actuaire, associé du cabinet Riskeo qui valorise les conventions de participation : elles permettent de freiner la volatilité des prix, obligent à une contractualisation de la maîtrise de la gestion du risque dans le temps, et incite à la mise en place d’ instances partagées de gouvernance pour le pilotage du contrat. On peut toutefois douter de l’absence d’impact majeur des réformes en cours sur les organisations : transferts de personnel, licenciements, recrutements sur de nouveaux profils et l’on peut s’attendre à un deuxième grand mercato territorial, le premier étant issu des élections municipales de mars 2014 suite aux nombreux changements des équipes politiques…

Une adaptation nécessaire des institutions partenaires

La réforme territoriale va profondément modifier les modes d’action publique. La tentative de limitation du millefeuille territorial se traduit par des regroupements de structures en grands ensembles tels que les régions et d’autres dont les limites sont encore en discussion : regroupements d’intercommunalités, communes nouvelles… et par des transferts de compétences.

Le rapport de l’Entente fait référence à la nécessité d’une évolution des institutions partenaires (CDG, CNFPT) du fait des modifications significatives des périmètres d’intervention et des compétences des structures territoriales. Si une première étape a été franchie par la loi du 12 mars 2012 en créant un socle commun à adhésion facultative pour les collectivités non affiliées, une nouvelle réforme institutionnelle se profile. L’IGA s’est penchée sur cette question dans un rapport diffusé en juillet 2014. Concernant les centres de gestion, plusieurs facteurs militent pour une recomposition supra départementale de ces institutions.

Claude SORET-VIROLLE, Présidente de l’ADT Inet et DGA au CIG de la Grande Couronne a rappelé que le premier objectif est de permettre d’appliquer le statut de manière homogène sur l’ensemble du territoire pour éviter une éventuelle balkanisation des grands ensembles à l’heure où le contrôle de légalité notamment en matière de gestion des carrières s’allège considérablement. L’IGA a d’ailleurs dans une de ses recommandations souhaité voir clarifiées les compétences des CDGs en leur confiant une compétence générale en matière de ressources humaines, y compris le conseil en organisation. C’est confirmer le caractère « in house » de ces institutions, prolongement naturel des collectivités et établissements publics, et connaissant finement le contexte territorial grâce à des liens quotidiens de gestion avec les employeurs locaux.

Le second objectif vise un renforcement de l’hyper expertise. L’accompagnement RH de grosses entités urbaines comme d’intercommunalités structurées en milieu rural prend sa pleine valeur ajoutée lorsque la structure partenaire, extérieure à la collectivité et à l’intercommunalité, devient tiers de confiance. C’est le cas pour les CDGs en matière de conseil statutaire, fiabilisation des comptes de droit en matière de retraite, prévention des risques professionnels, médecine de prévention, action sociale,…Le regard institutionnel, neutre et la technicité sont une garantie d’objectivité notamment vis-à-vis notamment des partenaires sociaux. L’IGA a d’ailleurs préconisé de rendre obligatoire un socle commun de prestations : médecine de prévention, service de santé et de sécurité au travail, conventions de participation en protection sociale complémentaire, contrats cadres en action sociale pour les agents et d’assurance des risques statutaires pour les collectivités. Ce que Guy DECLOCQUEMENT, Directeur des affaires financières et de la prévention au Centre de Gestion du Nord a réaffirmé en présentant l’accompagnement pluridisciplinaire des collectivités à partir des signes cliniques recensés dans le bilan social, le document unique d’évaluation des risques professionnels, le rapport de surveillance de l’absentéisme…Il a insisté sur le nécessaire changement de regard en axant les démarches sur le diagnostic des causes, la nécessité d’interroger les pratiques managériales plutôt que les responsables RH ne soient relégués en permanence au rang de « pompiers pyromanes » et d’adapter l’accompagnement selon la taille des collectivités, « l’artillerie lourde  n’étant pas toujours de mise »…

Le troisième objectif est celui d’une mutualisation à une échelle élargie. La souscription de contrats collectifs à adhésion facultative dans le domaine de l’assurance statutaire ou de la protection sociale complémentaire vise des économies d’échelle, des garanties contractuelles sécurisées avec les opérateurs et s’étend aux dispositifs de groupements de commande tels que ceux permettant par exemple d’accéder à une plateforme de gestion des marchés publics.

Combattre les préjugés et humaniser les organisations

Denis Monneuse, sociologue, IAE de Paris, Université de Paris I Panthéon Sorbonne, nous invite à revisiter le sens du bien-être au travail et les actions positives sur la performance. On a tendance à privilégier les actions « périphériques » pour motiver  les agents : rémunération, sécurité de l’emploi, aménagement des locaux, considérant qu’elles jouent sur le niveau de satisfaction des salariés et qu’on limite ainsi les manifestations protestataires. Or la qualité de vie au travail passe par de la confiance, de la reconnaissance, des perspectives d’évolution, un intérêt portée aux missions, une capacité d’autonomie. Le lien entre les conditions de travail et la performance sont ténus : le modèle « prison dorée » conduit au « bore out » ! Par contre, même si les conditions de travail ne sont pas optimales mais que le projet d’entreprise est fort, donne un sens à l’activité, les équipes sont motivées. Générer de la reconnaissance et de la confiance, tel est l’enjeu des organisations.

Fabien FABBRI, DGS de Bagneux, a fait état du processus de réorganisation de sa collectivité (870 agents), classée comme bénéficiaire des dotations de solidarité urbaine. A la question des économies, des nécessaires adaptations, tout en veillant à une stratégie de développement (véritable quadrature du cercle), il répond par le préambule du portage politique indispensable pour décider des arbitrages budgétaires et d’opportunité des politiques publiques. Il insiste sur la nécessité d’une démarche globale, dans laquelle l’ensemble de la collectivité est concernée ainsi que sur le rythme de la démarche pour éviter tant les précipitations que le processus d’usure. Quelques règles de conduite simples à mettre en œuvre : présenter des choix aux élus, se rapprocher de l’activité réelle et des conditions effectives de réalisation et instaurer un mode participatif. A l’appui : une cellule pluridisciplinaire pour accompagner les équipes, mêlant compétences RH, financières sans intervention externe. L’épreuve est exigeante mais fait progresser le collectif professionnel. Les échanges sont sincères, dans un dialogue lucide qui contribue à une fabrication collective de la prise de décision. Dans le même esprit, Marc COLLING, Directeur des RH et des moyens généraux au Conseil Départemental des Yvelines souligne l’importance d’une mise en mouvement des managers avec un partage des pratiques professionnelles (usage des NTIC, évolution des métiers, process d’organisation,…). Quant à la réduction des effectifs tant prônée dans la réforme, il en aborde les limites. Passées les optimisations évidentes (chaîne comptable, facturation,…), il convient d’être prudent. Des réductions oui peut-être mais où ?! Même si le turn over peut être important, la question des redéploiements reste entière, notamment lorsque la gestion des inaptitudes devient un problème récurrent.

Accompagner la réforme oui. Avec intelligence évidemment. Sous réserve que les élus portent les arbitrages nécessaires et que le management des organisations permette un partage avec tous les agents des orientations stratégiques. Et que l’on revisite le travail à travers les pratiques opérationnelles des individus en leur faisant confiance, en les respectant et en leur apportant la reconnaissance d’un engagement pour la chose publique l’on sait ancré en eux.